Les Champions de Say : mobiliser le savoir local pour prévenir l’extrémisme violent
Les Champions de Say : mobiliser le savoir local pour prévenir l’extrémisme violent
Les Champions de Say : mobiliser le savoir local pour prévenir l’extrémisme violent
Par Mamane Tassiou Amadou, Conseiller National de GCERF au Niger et Constance Munch, Junior Associate
Par une calme soirée dans la petite ville de Say de la région de Tillabéri au Niger, une poignée de membres de la communauté se réunissent dans la cour sablonneuse du « Centre de Paix », un cadre social de rencontre des jeunes. Ils viennent pour échanger avec le Conseiller National de GCERF au Niger, en visite de terrain, sur le rôle vital de la jeunesse dans le développement local, la lutte contre l’insécurité et la prévention de l’extrémisme violent.
Ce groupe mixte est aussi un curieux mélange de jeunes et de personnes âgées. Il rassemble 17 membres issus de milieux différents, des hommes et des femmes âgés de 20 à 62 ans. En fait, ils se sont rencontrés en juin 2022, au sein d’un groupe de 25 bénéficiaires participant à un atelier sur la prévention de l’extrémisme violent organisé à Say dans le cadre du « Projet d’Appui à l’Autonomisation des Jeunes et des Femmes les plus Vulnérables de la Région de Tillabéri », financé par GCERF. Ils étaient loin d’imaginer que cet atelier serait le début de quelque chose de spécial.
Situé aux confins du Burkina Faso et du Mali, le département de Say est durement touché par la violence et l’extrémisme, avec la présence des groupes terroristes tels que l’État Islamique dans le Grand Sahara (EIGS), Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) et des bandits qui sévissent dans cette zone dite des trois frontières. Ces dernières années, des attaques dévastatrices contre des civils, des militaires et des représentants du gouvernement ont fait de nombreuses victimes et provoqué des déplacements dans cette zone. Les vulnérabilités de la région de Tillabéri continuent d’être exploitées par les groupes extrémistes, qui profitent du manque d’opportunités économiques, d’un taux de chômage élevé, des tensions intercommunautaires entre agriculteurs et éleveurs, et des relations tendues entre les jeunes et l’armée pour gagner du soutien et attirer des jeunes dans leur sillage. Bénéficiant d’une subvention de GCERF, l’Association des Scouts du Niger, en consortium avec 3 autres ONGs locales, met en œuvre dans cette région un programme qui s’attaque aux causes profondes de la radicalisation pour prévenir l’extrémisme avant qu’il ne s’enracine. La formation au leadership, la capacité à mener un dialogue au sein de la communauté et à identifier les signes de radicalisation sont des éléments clés de ce programme.
L’atelier organisé par l’ASN du 4 au 6 juin 2022 a ainsi permis de former en techniques de PEV des membres de la communauté considérés comme exposés au risque de radicalisation et de leur donner des moyens de devenir des ambassadeurs de la paix.
C’est ainsi que Salimata*, Ali*, Yayé* et 15 autres bénéficiaires ayant participé à cette formation ont décidé de rester en contact et formé un groupe qu’ils ont baptisé les « Champions de Say ». « Après la formation, nous nous sommes dit qu’il ne fallait pas s’arrêter là, qu’il fallait continuer ensemble dans l’intérêt de notre communauté », a expliqué Yayé à Mamane Tassiou Amadou, Conseiller National de GCERF au Niger. « La formation nous a permis d’apprendre de nouvelles choses sur la prévention de l’extrémisme violent qui devaient être diffusées pour porter leurs fruits », a ajouté un autre membre du groupe.
Inspiré par les connaissances et les compétences acquises au cours de cette formation, le groupe se distingue dans la communauté en mettant ses idées en pratique. Tout en coordonnant leurs activités sur Whatsapp, les membres partagent leurs expériences et leur intérêt pour le développement local. Ils s’engagent à côté des autres membres de la communauté dans la lutte contre la désinformation et la prévention de l’extrémisme violent dans les espaces sociaux des jeunes communément appelés « fada ». A la fin de chaque mois, ils cotisent également de l’argent pour entreprendre et/ou accompagner des activités telles que l’assainissement, l’aide aux membres du groupe dans le besoin, l’organisation des sessions de dialogue communautaire et des séances de théâtre participatif, etc.
En peu de temps, les Champions de Say sont devenus une force importante dans leur communauté. En effet, les membres de ce groupe composite, se complètent mutuellement et ont développé des liens solides qui contribuent à leur succès. Le groupe s’est même doté d’un organigramme composé d’un président, d’un secrétaire général et d’un trésorier. Leur réputation attire l’attention d’autres membres de la communauté qui désirent se joindre à leurs efforts de prévention de l’extrémisme violent.
A présent, les Champions de Say ont la ferme intention de consolider leurs acquis et vont soumettre aux autorités locales une demande d’agrément pour être enregistrée en tant qu’association formelle, ce qui, espèrent-ils, leur permettra d’élargir leur projet et d’inclure des activités génératrices de revenus.
Témoignant du pouvoir de la mobilisation communautaire, les réalisations des Champions de Say pour prévenir l’extrémisme violent illustrent leur ingéniosité et démontrent également l’appropriation par la communauté d’un projet financé par GCERF qui désormais a le potentiel de durabilité et de s’inscrire dans le long terme.
Réunion entre des membres du groupe Champions de Say et le Conseiller National de GCERF au Niger, Mamane Tassiou Amadou, 23.01.2023
*noms modifiés